Ce blog était au départ destiné aux étudiants du séminaire "Cinéma et cultures" de Master 1 (Médiation culturelle) de l'Université Paris III.
Il s'agit de résumés des cours séminaires donnés entre 2012 et 2014 à l'Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
Depuis octobre 2014, j'ai ajouté quelques notes sur des films projetés à l'Institut français du Royaume-Uni à Londres.
Bon parcours !
Rachel Mazuy

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Auguste et Louis Lumière, la naissance d'une nouvelle forme de divertissement


Auguste et Louis Lumière

(I. A.) Les films Lumière : la naissance d'une nouvelle forme de divertissement. 

Bien entendu tous les ouvrages sur le cinéma des premiers temps évoquent l'aventure des Lumière. 
En plus du site de l'Institut Lumière (cf. plus bas), vous pouvez lire la biographie de Michel Faucheux, Auguste et Louis Lumière, Folio, 2013. 
André Gaudreault, Cinéma et attraction : pour une nouvelle histoire du cinématographe, Ed. du CNRS, 2008. 

A. Le cinématographe des frères Lumière : 
1. Une naissance a priori très éloignée des milieux artistiques, et pourtant... : 
a) Une ascension sociale reflet de l'industrialisation : 
- La France de la fin du XIXe siècle... 
- La photographie, une révolution du XIXe siècle (idée que le cinéma vient de la photographie, et est une révolution secondaire de ce fait). 
- Découvreurs et industriels : l'aventure industrielle d'une famille aux origines plutôt modestes. - La famille Lumière : d'origine modeste (les parents sont coloriste et blanchisseuse au départ) ce sont des industriels, membres de la bourgeoisie lyonnaise (une des villes symboles de l'industrie en France) et non des artistes. Les Lumière sont des entrepreneurs. En 1895, ils dirigent une entreprise photographique qui fabrique et commercialise des plaques photographiques dans les usines de Monplaisir (Lyon où se trouve aujourd'hui l'Institut Lumière). L’industrie de la photographie est alors en plein essor (Révolution industrielle). 
Usine Lumière en 1920 (la maison est située au centre-droit. 


b) l'origine et la naissance du cinématographe :

- aller plus loin qu'Edison. 
Même si on a l’habitude de dater la naissance du cinéma de l’année 1895, la séance du grand café du 28 décembre 1895 ne marque pourtant pas les premiers essais d’images animées.

Les inventions sont nombreuses (théâtre d'ombres oriental, praxinoscope, et surtout le kinétoscope d'Edison en 1893).
Le cinématographe des frères Lumière est largement redevable de toutes ces inventions passées
Mais cette fois, non seulement il ne s’agit pas de dessins mais bien d’images photographiques animées qui sont projetées sur un écran pour une large audience. 

- Les naissances du cinématographe : 
+ la curiosité d'Antoine le père... plusieurs histoires pour une naissance
+ L'inventivité des deux frères (même si l'invention est liée à Louis plus qu'à Auguste). 

Leur brevet est enregistré le 13 février 1895.



Cinématographe des Lumière                                                         Kinétoscope d'Edison

- Les naissances officielles : les premières projections 
+ Le 22 mars 1895, c’est à Paris dans les locaux de la Société d’encouragement de l’industrie nationale qu’est projeté pour la première fois « La sortie des usines Lumière » devant une assemblée entière. D'autres projections privées vont suivre.
Il s'agit de légitimer l’invention auprès d’un public spécialisé. L’invention est aussi liée à un contexte de concurrence internationale, notamment avec l’américain Edison, dont la machine a inspiré les Lumière et dont il utilise le type de pellicule, dans une version améliorée pour leur invention.

+ La première projection payante : 
Deuxième étape, le 28 décembre 1895, 10 films Lumière sont projetés dans la salle Indienne du sous-sol du Grand café de Paris devant quelques dizaines de personnes. 
C'est un des lieux emblématiques de la culture de masse parisienne (les grands boulevards). 
C’est la véritable sortie commerciale du cinématographe, et c'est aussi la naissance d’une nouvelle forme d’attraction. Mais l'objectif des Lumière est ailleurs au départ (cf. leur refus de vendre l'appareil à Méliès).


2) Des films qui vont cependant au-delà qu'un simple outil scientifique :


Louis Lumière peut être considéré comme le premier cinéaste du réel, même si ce statut lui est dénié par des chercheurs (André Gaudreault préfère parler de "cinématographistes" et non de cinéastes). 

Le réalisme de ces courtes séquences stupéfait le public. 

Et même si au départ, les court-métrages sont filmés en un seul plan, le plus souvent large, il sait éclairer et cadrer, et saisir le mouvement pour créer une véritable histoire.

Il invente aussi le premier film comique (L’Arroseur arrosé).

Ils se lancent ensuite dans la fiction et, après 1897, concurrencé notamment par Méliès, dans les reconstitutions historiques.
Néanmoins, ces pionniers vont définitivement laisser tomber l'exploitation de leurs films  (et donc la production de films) après 1907 , se recentrant sur l’industrie photographique.


3° Production, diffusion et réception des films Lumière :
+ La production, on l’a compris est liée à l’entreprise Lumière. Sur les quelques milliers de court-métrages sortis des usines Lumière, 50 sont directement liés aux deux frères, les autres sont fabriqués et projetés par les opérateurs Lumière qui vont parcourir le monde. 

+ Si la première projection n'est pas un véritable succès, le bouche à oreille poussent rapidement des milliers de personnes devant le Grand Café. 




Affiche Lumière première projection publique                                                     Affiche Lumière 1896 (on reconnaît l'Arroseur arrosé). 

+ Filmer le siècle dans le monde entier : les opérateurs, metteurs en scène et projectionnistes des Lumière : 
Les Lumière vont alors organiser des projections en province, et dans d’autres villes européennes et très vite mondiales. Les opérateurs en ramènent de nouvelles vues qui grossissent le catalogue et permettent aux frères de Lumière de gagner la bataille vis-à-vis d’Edison… Une stratégie commerciale destinée aux masses...

+ En même temps, on l'a compris, le premier public, peut appartenir à l'élite (la cour de l'empereur Nicolas II en Russie par exemple), même si son élargissement est surtout populaire. 

+ Mais, après l'incendie du Bazar de la Charité (mai 1897), considéré comme dangereux par la bourgeoisie, le cinéma devient davantage une attraction populaire qui se développe dans les foires ou les music-halls (artistes du burlesque). Les codes culturels utilisés ne sont pas ceux du théâtre. 

Cl. : Invention industrielle au départ, le cinématographe devient très vite une nouvelle forme de loisir de masse, sans que les contemporains ne réalisent qu’ils s’agissent aussi d’un art.